Sigmund FREUD
Sigmund FREUD: les dates importantes de sa vie.
Fils de Jacob Freud, commerçant juif Autrichien marié une première fois. Son père aura de ce premier mariage deux enfants, Emmanuel et Philippe (un de ces enfants se marie et a un fils d'un an au moment de la naissance de Sigmund). Jacob, à 40 ans, se remarie à Amalie, 20 ans. Le 6 mai 1856 naît Sigmund (à l'origine Sigismund), qui sera l'aîné de 7 enfants. Son frère Julius meurt à 6 mois quand Sigismond a deux ans. En 1860, la famille s'installe à Vienne, dans de mauvaises conditions économiques. En 1881, il passe ses examens de fin d'étude de médecine. Il est peu intéressé par le métier de généraliste mais s'intéresse par-contre à la recherche et à l'enseignement. Il sera aidé financièrement par Joseph Breuer, médecin-physiologiste Autrichien s'orientant sur la psychiatre.
Les premières recherches de Sigmund Freud seront sur la neurologie, et les effets de la cocaïne. En 1885, il obtient une bourse pour un voyage à Paris et travaille à "la Salpetrière" avec Jean Martin Charcot, neurologue Français travaillant auprès de patients hypnotisés. Il est ébloui par le traitement sur l'hystérie et utilise à son tour l'hypnose. Il a alors 31 ans.
Au retour de Paris, il épouse Martha. En 1893, il formule la théorie de la séduction traumatique qu'il abandonnera 4 ans plus tard. En 1896, à 40 ans, il fait sa première conférence sur l'étiologie sexuelle de l'hystérie: c'est un véritable scandale. En 1903 il a ses premiers disciples. En 1938: c'est "l'Anchluss"! L'alliance entre l'Autriche et l'Allemagne nazie est décrétée:Sigmund Freud s'exile. En 1939, le 23 septembre, il meurt à Londres d'un cancer à la mâchoire.
· La psychanalyse est une méthode d'investigation du psychisme. Le traitement fondé sur cette méthode est aussi appelé "psychanalyse". C'est enfin une discipline scientifique formée de conceptions psychologiques. La psychanalyse est donc à la fois une méthode, une cure et une théorie.· Découvertes inaugurales: Sigmund Freud ne sait pas ce qu'il cherche. Ce qu'il découvre en premier est que le symptôme du malade est particulièrement signifiant, et correspond à des réminiscences. C'est une trouvaille de Joseph Breuer que Freud va théoriser et communiquer."Le sens renvoie à un évènement traumatique!" donne t'il comme explication dynamique du symptôme.Deuxièmement, il trouve que la signification du symptôme est sexuelle. Pour Freud, l'hystérie est une maladie du désir. Il repère un leitmotiv qu'est la scène primitive. Ce spectacle, qui a horrifié l'enfant, peut être le coït parental ou une situation de séduction. Il repère ce leitmotiv chez les névrosés adultes et découvre la portée universelle de cette expérience: c'est un fantasme originaire.Freud découvre enfin que, malgré ce que peuvent dire ses patients, il n'y a pas réalité de la scène primitive: c'est le désir qui est pris pour de la réalité. Ainsi n'est réel pour le malade que ce qu'il croit. Pour la névrose, la réalité psychique a plus d'importance que la réalité extérieure. Ce n'est donc pas l'évènement qui est important, c'est la façon dont cet évènement, réel ou fictif, est vécu. Le propre désir enfantin du malade est pris comme un véritable traumatisme.
- 1ère théorie : l'hystérique a été traumatisé;- 2ème théorie : il ne l'a pas été mais ne demandait que ça.
La grammaire de l'inconscient
Complexe d'Oedipe et castration : Freud découvre que la scène primitive est une représentation dramatique du complexe d'œdipe (rapport croisé entre sujet, objet du désir et porteur de loi). Ce qu'il en saisit, c'est l'universalité: tout être humain se doit de le maîtriser. Il s'aperçoit que cette épreuve se rattache à la sexualité enfantine et qu'elle se dénoue fantasmatiquement par la menace de la castration.
Le rêve et la psychothérapie de la vie quotidienne : le rêve devient l'autre pôle, l'autre objet signifiant. Le rêve a un sens qui peut être décrypté à partir du travail du rêve qui estinconscient. Il remarque une isomorphie (ressemblance) entre le rêve et d'autres phénomènes inconscients comme le mot d'esprit, les oublis, les lapsus... Dans tous ces cas on retrouve les processus primaires que sont la "condensation" et le "déplacement". Il élabore la première topique.
Le refoulement : à travers 5 cas, Freud s'aperçoit qu'il y a une grammaire du symptôme qui repose sur le refoulement. L'inconscient s'organise à partir d'une opération fondamentale qui repousse les représentations liées aux pulsions. Le refoulement est un "vouloir ne pas savoir". Il se produit une fixation constituant le noyau originaire, et provocant la répétition de l'opération refoulante. S'il y a refoulement continuel, c'est qu'il y a sans cesse un retour du refoulé, dont par exemple les symptômes.
Les structures du symptôme : cela amènera Freud à différencier les maladies mentales. Il en donne 2 grandes catégories: les psychonévroses, et les psychonévroses narcissiques.
Les psychonévroses, ou névroses: les fonctions symboliques sont altérées alors que le contact avec le réel est maintenu. Le Moi est au service de la réalité, et procède donc au refoulement. Le ça, frustré, se dédommage par la constitution d'un monde fantasmatique. Son angoisse, c'est le retour du refoulé! Les psychonévroses narcissiques, ou psychoses: le Moi se met au service du Ça en se retirant de la réalité. Le Moi, coupé de la réalité, fait se constituer une autre relation à la réalité: le délire et l'hallucination sont des tentatives pour recréer le réel perdu. L'angoisse concerne l'effondrement du monde qu'il a créé. C'est une angoisse d'intrusion de la réalité extérieure sur la réalité construite. Le sujet a investi uniquement son Moi narcissique.
Les figures de la sexualité
Il existe une sexualité infantile, qui précède celle de l'adulte: "l'enfant devient le père de l'homme".
C'est la sexualité infantile qui organise la sexualité adulte. La sexualité est basée sur l'énergie œuvrant dés l'origine, et appelée "libido". Cette énergie se fixe sur des organes différents, aux différents stades de la maturité. La pulsion sexuelle a donc été abordée à partir, ou à travers ses perversions. A partir d'elles, Freud découvre les virtualités perverses de la sexualité infantile. Il a alors besoin de systématiser ses découvertes psychiques par un langage spécifique: c'est la méta-psychologie, système explicatif de la nature et de la fonction de l'inconscient, dont le terme fondamental est la pulsion.
Rappelons que la pulsion est une poussée ayant sa source dans un état de tension somatique, son but dans la satisfaction de cette tension au moyen d'un Objet. Elle se délègue à travers 2 modalités: la représentation (investissement) et l'affect (décharge).
La libido est le capital; La pulsion en est une partie (un morceau).
Freud distingue alors deux sortes de pulsions :
L'auto-conservation du Moi; La pulsion sexuelle.
Le narcissisme
C'est une forme paradoxale de la libido, portée par le Moi. Ceci veut dire qu'à travers l'Objet, le Sujet s'aime foncièrement. Le "schizophrène" ("être humain s'étant construit un rapport au réel, et donc à l'Autre, de type schizophrénique"), s'efforçant de rassembler les morceaux de son Moi morcelé, est quelqu'un de narcissique. De même que le masochiste ("être humain s'étant construit un rapport à l'autre de type masochiste").
L'identification est un choix d'Objet sur le modèle de la relation que le sujet entretient avec lui-même. L'Objet représente ce qu'on est, ce qu'on voudrait être, ce qu'on était, toutes ces virtualités que l'on n'a pas réalisées et qu'on trouve en l'Autre. Le Moi n'est pas seulement un agent d'adaptation, c'est un Objet imaginaire. Cette notion d'identification va permettre d'étendre la relation de l'individu au groupe, et de l'individu au chef.
Dans le groupe, le sujet se trouve ramené à une situation narcissique. Il trouve chez les Autres, privilégiés, ce qu'il ne peut trouver en lui. Le chef n'est supporté que dans la mesure où il représente l'Idéal du Moi. L'interdit est une limite du désir. Freud relie cette notion à celle de l'hypothèse du meurtre du Père Primitif, dont découlerait le tabou Oedipien. Il y a association de la notion d'interdit et de celle de désir. Cet interdit va se fixer dans un statut: une instance particulière déterminée va assumer cet interdit, et c'est le Surmoi, dont dépend la culpabilité. Le Surmoi adresse conseils et interdits au Moi: "Sois comme ton Père, ne sois pas totalement comme lui". Le Moi devient l'instance dans laquelle se notifie l'angoisse. Il n'est plus l'arbitre, mais l'enjeu du conflit.
La pulsion de mort
Pourquoi la représentation de la souffrance est-elle source de plaisir? Quelle est la nature de la compulsion à répéter les situations pénibles? C'est la répétition elle-même qui est intéressante, et non la situation. Cela va permettre à Freud de découvrir une réalité qui, dés l'origine, œuvre dans l'inconscient et la sexualité. C'est une tendance à retourner à un point de réduction complète de la tension, un état antérieur. C'est une propriété générale à toute pulsion, appelée pulsion de mort. Toute pulsion tend à répéter un état ancien que le Sujet a été contraint d'abandonner. Dans cette pulsion de mort on comprend la notion de répétition, la notion de régression, d'agressivité, de culpabilité et de masochisme, de désir. Toute pulsion est à l'origine pulsion de mort. Cela va ramener à la découverte du clivage du Moi. Une partie reconnaît la réalité extérieure, l'autre garde une croyance au désir. Le Moi devient le lieu de la division. Freud crée alors la deuxième topique.
Psychanalyse : les effets thérapeutiques
· La catharsis : le sujet va d'abord verbaliser son affect, et le situer dans son histoire. Il va en rechercher les causes et les conséquences. Il reconstruit sa vérité alors que jusqu'ici il n'avait fait que la subir. Le désir n'est pas pour autant supprimé. Le symptôme est toujours là mais il est abordé différemment. Au lieu de le vivre, le sujet parlera l'événement. Cela va amener Freud à renoncer à l'intervention sur le corps pour se porter sur le terrain du langage, du laisser-parler du désir. Il s'aperçoit qu'il y a 2 termes fondamentaux dans la cure, la résistance et le transfert.· La résistance : le sujet résiste à l'avènement de sa réalité. En premier, le noyau originaire a une force d'inertie. Il y a aussi le Surmoi qui résiste et refoule sans arrêt. Enfin le Moi résiste contre l'angoisse. Mais c'est néanmoins une partie du Moi qui amène à la guérison, et qui aide à vaincre les résistances (dont certaines de la part du Moi lui-même). La résistance est quelque chose d'inévitable mais ce n'est pas pour autant un terme négatif de la cure: ce sera un pôle dynamique sur lequel le travail sera fait.· Le transfert : c'est la répétition de relations infantiles vis-à-vis des figures parentales, sur d'autres personnes et en particulier l'analyste. C'est une condition sine qua non de la cure. On reporte sur l'analyste tout ce qu'on a vécu de manière conflictuelle dans son enfance. Il y a un premier temps au cours duquel le sujet doit se souvenir. C'est la "remémoration". Puis il doit répéter la scène. C'est la "répétition". Enfin le sujet doit élaborer. C'est la "perlaboration".
La construction analytique revient en fait à ce que fait le rêve dans son travail durant le sommeil.
Carl Gustav JUNG
Carl Gustav JUNG (1875-1961)
Carl Gustav Jung est né à Kesswil, sur la rive Suisse du lac de Constance. Son père, pasteur, s'installa peu après à Schlosslaufen, au bord de la chute du Rhin, puis à proximité de Bâle. C'est dans cette ville qu'il fit ses études et acquit le titre de médecin. Il entre alors à l'hôpital psychiatrique du canton de Zurich. Il y est élève, puis assistant de Bleuler. Après avoir soutenu sa thèse sur la "psychopathologie des phénomènes dits occultes", il y prépare ses premières publications: "études sur les associations"(1903) et "les démences précoces"(1907). Cette même année, il devient disciple et ami de Sigmund Freud, qu'il quitte cinq ans plus tard pour fonder une nouvelle école de "psychologie analytique". Il fonde en 1948 l'institut "JUNG" à Zurich.
Découverte de "l'inconscient collectif", fondement de l'imagination, commun à tous les peuples à travers les âges, et qui se manifeste dans les religions, les mythes, l'alchimie...
Jung a beaucoup voyagé en Afrique noire, en Afrique du nord, aux Indes et en Amérique où il étudia particulièrement les coutumes des Indiens "Pueblos". Il s'efforça toute sa vie de dépasser une attitude purement descriptive de la maladie mentale et de la comprendre de l'intérieur.
S'il fut d'abord attiré par les travaux de Freud (avec qui il se lia d'amitié durant 5 années), l'esprit de système de son aîné l'éloigna peu à peu de lui; Jung ne pouvait accepter une conception de l'énergie psychique (la libido) limitée, pour les besoins d'une théorie, à l'impulsion sexuelle.
La rupture survint après la parution de "métamorphoses et symboles de la libido" en 1912 dans laquelle Jung exposa sa théorie sur la notion de l'inconscient collectif. Il décrit une structure quaternaire de la psyché, avec 4 fonctions psychologiques caractérisant les différents types humains:
Pensée ;
Intuition ;
Sentiment ;
Sensation .
Ces 4 fonctions forment un instrument que l'individu doit manier pour évoluer.
Sa vision de l'homme est dynamique, et on peut la résumer par ces 2 concepts: le devenir, et la transformation.
En l'homme, le monde devient conscient de lui-même par la formation d'un Moi. Mais le renforcement unilatéral de ce dernier ne doit pas dépasser une certaine limite. Au delà, le Moi tend à oublier son lien avec l'océan d'où il sort, l'arbre se sépare de ses racines, se dessèche ou produit des fruits monstrueux. Sur le plan collectif ce seront alors des déchaînements sauvages: les exemples abondent au 20ème siècle. Chez l'individu, c'est la névrose, affection mentale où l'inconscient, nié, réclame sa part. La névrose n'est donc pas liée uniquement à des évènements du passé notamment infantiles, comme pour Freud, mais à une situation actuelle. Rétablir le passage sans heurt du courant psychique, source de renouvellement, tel est le but de l'exploration intérieure.
La persona : c'est la partie de nous, apparente, éclairée, que l'on montre aux autres. C'est notre Moi social.
L'ombre : partie inconsciente de notre personnalité, non exposée à la lumière. Ce sont toutes les potentialités que nous n'exploitons pas, mais pas forcément que nous réprimons.
Il existe un équilibre entre la "persona" et "l'ombre" car sinon rien de spontané ne pourrait avoir lieu. Ils dépendent tous deux du contexte socioculturel.
L'inconscient collectif : ses modes de manifestation sont les "archétypes" qui désignent les images anciennes (comme le "dragon", le "paradis perdu"...). Ces images constituent un fond commun à toute l'humanité. Dans chaque individu on les retrouve, en tout temps et en tout lieu, à côté des souvenirs personnels. Ils se manifestent dans les rêves, les délires et les arts picturaux.
Jung distingue plusieurs strates dans l'inconscient collectif:
1ère couche : c'est l'inconscient individuel;
2ème couche : c'est l'inconscient collectif familial auquel on appartient: dans certaines familles il y a par exemple certains chiffres qui reviennent génération après génération;
3ème couche : c'est l'inconscient collectif du groupe ethnique et culturel auquel appartient la famille;
Au dessus : il y a un inconscient collectif primordial. C'est ce qui est le plus général à l'humanité, comme par exemple la peur commune de l'obscurité, les instincts... etc. Dans cet inconscient collectif, il y a des structures de base, un code général où cet inconscient s'exprime et ce sont les "archétypes". Ils puisent dans la matière indifférenciée, le magma, le chaos de l'origine.
Les archétypes : ce sont des structures de base, un cadre général où l'inconscient collectif s'exprime. Ils sont innés, immuables et les mêmes pour tout le monde. Ce sont les contenus de l'inconscient. Les archétypes sont les formes "a priori" de la représentation. Il y a ainsi les archétypes parentaux (Père et Mère), l'anima, l'animus... etc.
L'anima : est l'aspect féminin psychique chez l'homme;
L'animus : est l'aspect masculin psychique chez la femme;
Le Soi : c'est la totalité. Quand cette partie de nous-même a atteint la totalité, elle se prend pour Dieu. Le paranoïaque est un individu qui pense atteindre le Soi. C'est l'inflation pathologique du Soi. On a tous tendance à rechercher l'unité.
Tout le travail de Jung s'est appuyé sur la double question qui domina sa vie: "qu'est-ce que le monde?" et "qui suis-je?". L'insuffisance du cadre religieux éclata aux yeux de ce fils de pasteur. Il devina que la réponse se trouvait au-dedans de lui et non au-dehors.
La psychiatrie lui parut offrir un moyen plus propice d'aborder la totalité de l'Homme. Jung a également travaillé sur la recherche alchimique. Il relia ainsi la mythologie, l'archaïque au psychologique: dans la transformation alchimique du fer en or, c'est la transformation de quelque chose en nous que l'on tente. C'est la transformation de la personnalité.
Jung fut avant tout le témoin d'une réalisation interne. Sa méthode psychologique et son œuvre sont les fruits de cette réalisation. Adolescent, il a rencontré sur son chemin la figure fascinante de Zarathoustra, le "messager du surhumain" qui avait conduit à la folie Frédéric Nietzsche, Bâlois d'adoption comme lui. À son tour il s'est vu contraint par le destin d'affronter ce qui est en définitive, l'unique problème de l'âme moderne: l'homme peut-il être surmonté, et par quelle voie?
Méthode thérapeutique
Afin de rétablir le passage du courant psychique, il faut pratiquer l'exploration intérieure. Pour y parvenir, Jung n'a guère recours à des techniques, capables à ses yeux de préjuger du résultat. Sa méthode est définie par "l'Auseinandersetzung", confrontation, échange sans dérobade entre deux personnalités. Une attitude objective, neutre, n'est pas de mise de la part du praticien. Seul un sujet peut aider un sujet, dans son drame et non à côté. Jung accorde par la suite, comme Freud, une importance capitale au transfert qui est le lien affectif unissant le praticien et le patient. Mais loin d'être, comme pour ce dernier, la simple projection d'une image parentale du patient, le transfert joue pour Jung, à partir du praticien, le rôle actif d'un catalyseur en vue de la manifestation des contenus inconscients. Pour être efficace, il présuppose donc un accomplissement personnel du psychiatre ou du psychologue.
Aux yeux de Jung, la portée de la psychothérapie est aussi variée que la nature humaine. On ne peut lui assigner de but. L'évolution psychologique est essentiellement imprévisible. Les intentions et les voies de la nature ne sont pas les nôtres. La disposition requise à leur égard est donc une attention vigilante alliée à une totale disponibilité.
Auprès de la "petite psychothérapie" qui tend à la guérison de symptômes comme l'obsession, la phobie, l'inhibition... et dans laquelle les découvertes cliniques de Sigmund Freud ont leur place, le praticien peut se trouver engagé dans une "grande psychothérapie", entreprise de longue haleine qui ne vise pas que la transformation de la personnalité. Jung ne se contente pas de rétablir une norme qui reste pour lui à définir.
La thérapeutique de Freud, quant à elle, vise à faire venir à la conscience les contenus personnels inconscients qui, pour avoir été oubliés ou refoulés, troublent la vie consciente.
Voyant dans l'inconscient une énergie pré-existant au Moi, Jung ne fixe pas de limites à sa poussée en vue de son actualisation et accueille toutes les formes de réalisation possibles. Il demeure seulement attentif à sauvegarder le contrôle du Moi conscient. Il se garde aussi de réduire la valeur des matériaux mis au jour. De telles attitudes ne feraient que masquer notre ignorance. Si un grand poète a été névropathe, cela ne touche en rien au mystère de son génie, car tous les névropathes ne sont pas des grands poètes. La reconnaissance dans l'Homme d'une dimension qui "dépasse infiniment l'homme", limité à l'égo, caractérise la psychologie analytique, dite "complexe" ou "des profondeurs" par opposition à la psychanalyse Freudienne.
Dynamisme des images oniriques
Le rêve est pour Jung, comme il l'est pour Freud, la "voie royale" menant à l'inconscient. Jung professe le plus grand respect à l'égard du songe et de son message. Le rêve révèle l'existence d'un psychisme objectif, d'une sagesse naturelle qui tend à l'auto-régulation de la psyché, et dont il est la voie. Il traduit l'état de l'inconscient à un moment donné et exerce normalement une fonction de complémentarité par rapport aux attitudes conscientes. C'est une production naturelle qui doit être examinée comme telle.
Les symboles qu'il met en œuvre pour peindre une situation ne sont pas uniquement des signes, des allégories créés par une fonction de censure servant à dissimuler des figures de l'état de veille, ce qui est la conception Freudienne. Ce sont des images qui ont leur raison d'être en elles-mêmes et possèdent leur dynamisme propre. Leur signification excèdera toujours les interprétations que l'on peut en donner, car le propre du symbole est précisément de mettre le conscient en contact avec ce qui est "inconnu et à jamais inconnaissable".
Le rêve formant un tout complet, son sens ne doit pas être recherché au moyen de libres associations qui nous écartent de lui (méthode Freudienne), mais chaque symbole demande à être éclairé à l'aide du contexte onirique et vital. La nature autonome du symbole, ainsi que l'existence d'un inconscient collectif permettent d'inviter le rêveur à passer au-delà de ses associations personnelles. Il pourra alors examiner toute la portée possible de l'image proposée à sa conscience en utilisant les matériaux historiques qui s'y rapportent. Cette opération est appelée "amplification".
Les symboles peuvent encore apparaître à l'état de veille sous forme de fantasmes, d'impressions visuelles ou auditives. Une mention spéciale doit être faite de l'imagination active. Elle consiste à fixer l'attention sur une image empruntée à un rêve et à en examiner la libre évolution. L'imagination active, où le Moi joue le rôle de témoin vigilant, est aux antipodes de la rêverie. Elle peut fournir un instrument de choix en vue de la maturation des situations oniriques. Les plus belles images demeureront vaines tant que le Moi ne les aura pas faites siennes par un acte qui sera, suivant le cas, interne ou externe. C'est alors seulement que l'on pourra parler d'intégration, de réalisation psychologique.
Inconscient collectif et individuation
Par la voie une et multiple de l'image, l'homme pénètre progressivement dans les cercles qui le mènent vers le centre de son être intérieur. Le premier rencontré est celui de la "persona" (en latin, c'est le masque du comédien). Ce terme désigne ici le personnage social qui, s'il a l'utilité et le caractère indispensables d'un vêtement, risque bien souvent de nous dissimuler notre nature individuelle. Il faut ensuite affronter et intégrer "l'ombre", partie de nous-même constituée par nos défauts et les produits de la fonction psychologique la moins différenciée. L'ombre a cependant un sens plus vaste et peut également désigner l'inconscient dans son ensemble. En effet, tout ce qui n'est pas entré dans la lumière de la conscience apparaît comme rempli d'obscurité et de menace. Jung applique à la plongée dans l'ombre l'expression de "mort volontaire" qu'il emprunte à Apulée parlant des mystères d'Isis. Mais au-delà de la porte étroite, on débouche dans "une immensité sans limites, une indétermination inouïe".
Avec l'entrée dans cet infini, océan d'énergie antérieur à l'individu, Jung franchit un pas que Freud n'avait pas osé faire. Par opposition à l'inconscient personnel, il le nomme inconscient collectif. Son exploration n'est pas sans danger: les énergies qui font alors irruption dans la conscience inondent l'être, tel un déluge. On assiste à un "abaissement du niveau mental" pouvant aller jusqu'à la dissolution de la conscience pendant laquelle le psychologue tient, grâce au transfert, la place d'un Moi de substitution.
Les contenus de l'inconscient collectif, ses modes de manifestation sont les archétypes. Plutôt que des structures préformées, ce sont des virtualités (potentialités) formatrices qui modèlent la matière indifférenciée fournie par le flux de l'énergie psychique. Ce sont de purs dynamismes qui se présentent sous des formes extrêmement variées, mais contenant toutes une forte charge émotionnelle.
Cette charge est à la fois positive et négative: l'archétype est simultanément l'indispensable facteur de l'évolution intérieure et, par la fascination qu'il exerce, une puissance captatrice, un "ogre" redoutable. La vie de l'homme toute entière est dominée et comme aimantée par les archétypes. Les plus puissants d'entre eux sont, sans conteste, ceux des parents.
L'anima est au suprême degré la puissance qui arrache l'homme à son univers relationnel. C'est pourquoi elle apparaît souvent en premier lieu comme la séductrice, le fauteur de désordre. Certains types d'anima demeurent ainsi purement négatifs et aliènent entièrement celui qu'elles entraînent. Mais, peu à peu l'harmonie naît du chaos: l'anima montre son visage d'initiatrice. L'intégration de l'anima chez l'homme, de son homologue l'animus chez la femme, conduit à la réalisation intérieure de l'androgyne mythique. Comme tout ce qui relève de l'inconscient collectif, les archétypes ne sont pas séparés les uns des autres par des limites rigoureuses. Il existe entre eux des parentés, des contaminations, des passages. Ils se manifestent non seulement à l'intérieur mais aussi sous forme de situations où l'évènement extérieur se trouve en correspondance avec une donnée psychique. L'archétype doit être considéré comme un facteur (non pas psychique mais "psychoïde"), dans lequel on peut voir le pont reliant le monde intérieur et le monde extérieur. Il façonne à la fois la psyché et le continuum espace-temps.
L'apparition de l'inconscient collectif et de ses messages au premier plan des préoccupations contemporaines constitue pour Jung la voie par laquelle la nature s'efforce de résoudre un grand problème: le développement prodigieux de la conscience claire a eu pour contrepartie la mise en jachère du domaine de l'âme, de l'irrationnel, relégués au rang de résidu de l'âge mythologique. L'intellect a usurpé la place de l'esprit créateur et celui-ci doit être recherché non plus en haut, telle une flamme, mais dans les profondeurs où se trouvent les eaux, ainsi qu'en témoignent les rêves de nombreux hommes d'aujourd'hui. Les plus beaux triomphes de la science ne sauraient compenser cette perte d'âme. L'homme, une fois seul avec lui-même, se sent dans un état d'indigence spirituelle, génératrice de déséquilibre: "la névrose, écrit Jung, est la souffrance d'une âme qui a perdu son sens".
L'individuation conduit au retrait des projections. L'homme dépouille le monde extérieur de son pouvoir de fascination et parvient à l'autonomie. A la loi arbitraire du Moi et des influences extérieures, se substitue une règle interne. Le nouveau centre appelé Soi est situé au-delà du Moi qui occupe par rapport à lui la position d'un satellite. Comparant les symboles du Soi et ceux qui expriment la divinité dans les religions et les mythes, Jung conclut que le Soi est identique à l'image de Dieu dans l'âme...
Il existe depuis 1948 à Zurich, un institut C.G. JUNG qui assure la formation des praticiens. L'école Jungienne a des représentants un peu partout dans le monde.
ADLER Alfred
Après avoir terminé ses études de médecine à Vienne (ophtalmologie, 1895), Alfred Adler intégra le cercle des disciples de Freud en 1902 (accès au dossier "freud") et s'orienta alors vers la psychothérapie. Il s'opposera cependant à lui sur plusieurs domaines, comme l'Oedipe (accès au dossier "complexed'oedipe"), l'origine sexuelle des névroses (accès au dossier "nevrose"), le rôle des pulsions et de la libido (accès au dossier "pulsions"), l'importance du sentiment d'infériorité dans l'évolution psychique du jeune enfant... Il finira par quitter le mouvement psychanalytique en 1910.
Dès 1911 il créa une association qui allait devenir la "Société pour la Psychologie Individuelle". De plus en plus éloigné de Freud, Adler s'oriente vers la pédagogie. Il réunit de nombreux disciples, intègre l'institut de pédagogie de Vienne en 1924, avant de devenir titulaire d'une chaire en psychologie médicale à New York à la "columbia university" en 1927, puis au "long island medical college" en 1932.
L'école d'Alfred Adler connaît dès lors une grande expansion dans les pays de langue allemande, puis anglaise et française. Ses théories influencent durablement les courants de la pensée contemporaine par leur contribution à la psychopédagogie, et aident à la compréhension et au traitement des névroses.
Il fonde le "journal de psychologie individuelle" en 1935, deux ans avant de mourir à Aberdeen, à l'âge de 67 ans.
Théorie :
Alfred Adler pose le principe de l'indivisibilité du corps et de l'esprit, applique ses principes à l'éducation puis développe sa théorie où il définit le "complexe d'infériorité". Il met en avant l'importance de la société dans la construction de la vie psychique (accès au dossier "formation psychique"), donnant ainsi, comme le fera plus tard l'antipsychiatrie pour la psychose, une origine sociale à la névrose. Pour Adler, le sentiment social qui se développe chez l’enfant autour de 7 à 8 ans est primordial.
L'Oedipe est pour lui la symbolisation d'une problématique fondamentale: ce ne sont pas les pulsions sexuelles comme l'avance Freud, mais bien plutôt un sentiment d'infériorité qui joue le rôle essentiel dans le développement individuel. S'il ne reconnaît pas un rôle primordial à la libido, il rend compte de la vie psychique de l'individu à partir d'un sentiment d'infériorité. Le "complexe d'infériorité" résulte de l'état de dépendance dont chacun fait l'expérience douloureuse dans son enfance (accès au dossier "petite enfance"). A ce complexe, se rajoutent des mécanismes de défense compensatoires qui seront entre autres la cause des conduites psychopathologiques (accès au dossier "conduite pathologique").
Pour Adler, le rôle du psychanalyste (accès au dossier "psychanalyste") consiste essentiellement à découvrir puis à rationaliser de tels sentiments, afin de mettre en échec la volonté de "puissance névrotique" qu'ils engendrent chez le sujet.
Pour Adler, le rôle du psychanalyste (accès au dossier "psychanalyste") consiste essentiellement à découvrir puis à rationaliser de tels sentiments, afin de mettre en échec la volonté de "puissance névrotique" qu'ils engendrent chez le sujet.
WINNICOTT
Donald Woods WINNICOTT (1896-1971)
Son œuvre est centrée sur la nécessité, pour le développement, d'un environnement "suffisamment bon". Faute de cela, l'enfant se construira une personnalité d'emprunt. Pédiatre, Donald Woods Winnicott se mit secondairement à la psychanalyse.
Sa méthode est une psychanalyse remodelée, avec communication directe (jeu, mot, geste) ou indirecte en discutant avec la mère en présence de l'enfant. Donald Woods Winnicott adapte le cadre selon la personnalité du patient.
Né en Angleterre, à Plymouth en 1896, il meurt à Londres en 1971. Il vient d'un milieu très provincial. Son père était maire. Il a deux sœurs plus âgées que lui. Il dispose lors de son enfance de beaucoup d'espace et de tranquillité.
Vers 16 ans, il a une vocation médicale. Il étudie la biologie à Cambridge, est chirurgien sur un destroyer pendant la guerre puis achève ses études à Londres. On lui propose alors 2 postes de pédiatre dans 2 hôpitaux pour enfants. Dans l'un d'eux il assumera les consultations pour enfants et verra ainsi passer environ 60.000 cas.
Son expérience de la pédiatrie et la lecture d'un livre de Sigmund Freud le font s'engager dans une longue analyse personnelle, de 30 à 40 ans. Il devient élève de Mélanie Klein. Il est opposé aux lobotomies, la grande découverte de la psychiatrie organiciste. Donald Woods Winnicott dit que chacun de nous a une tendance naturelle à la santé et est capable de trouver une issue personnelle à ses conflits.
Concepts
1. La préoccupation maternelle primaire : c'est l'état de la mère pendant la grossesse et quelques semaines après la naissance. La femme ne se souviendra pas de cet état. C'est l'équivalent d'un état de repli, de dissociation, de fugue vis à vis de la réalité et qui peut ressembler à un épisode schizoïde. C'est une sorte d'hyper sensibilité quasi pathologique. Une femme en bonne santé mentale et physique peut à la fois atteindre cet état et l'abandonner quelques semaines après la naissance de l'enfant. La préoccupation maternelle primaire fournit à l'enfant les conditions nécessaires à son développement. Il y a une sorte d'adéquation totale entre la mère et son bébé. Ce dernier n'éprouve aucun danger, aucune menace et peut s'investir lui-même sans problème.
2. Le holding : l'enfant vit des choses bonnes ou mauvaises hors de sa portée et dont il n'est pas responsable. Il rassemble les facteurs externes dans le champ de la toute-puissance. Il donne une signification interne à ce qui est externe. Ce sont les soins maternels qui soutiennent son Moi, encore incapable de maîtriser les expériences, bonnes ou mauvaises. Le "holding", c'est l'environnement stable, ferme et capable de porter psychiquement et physiquement l'enfant. C'est quelque chose de naturel à la mère. Elle comprend spontanément et par empathie ce qu'il faut à l'enfant, ce qui est bon pour lui. C'est ainsi que Donald Woods Winnicott peut dire que la plupart des mères sont suffisamment bonnes. La mère elle-même sait qu'elle n'est pas parfaite. Elle est capable d'assumer ses défaillances transitoires. En étant "bonne", elle entretient une "illusion positive" vis à vis de l'enfant qui croit créer lui-même la réalité extérieure. Il finira par prendre conscience de cela petit à petit. Cette illusion positive permet à l'enfant d'émerger de la fusion avec sa mère.
Donald Woods Winnicott distingue 3 étapes successives:
Étape de dépendance absolue: l'enfant n'est pas capable de reconnaître les soins maternels dans ce qu'ils ont de bon ou de mauvais. Il en tire profit ou en souffre, et là s'arrête sa participation. Ainsi on observera au niveau du langage, la mère qui s'exprime et fait les réponses à sa place. Dans le comportement alimentaire, quand l'enfant a faim, il pleure avec conviction parce qu'il est déstructuré;
Étape de dépendance relative: l'enfant est capable de se rendre compte en détail des soins dont il a besoin. Il les relie à des impulsions personnelles. Il les repère, les juge en fonction de ses désirs et de leur adéquation. Il n'est pas encore capable de s'en passer. Ainsi, l'enfant pourra décrypter ce que dit la mère. Quand il a faim, il pleurera pour appeler;
Étape d'indépendance: l'enfant peut se passer des soins, en emmagasinant des souvenirs. Il possède une certaine compréhension intellectuelle et une confiance en l'environnement. Il a introjecté les soins antérieurs et peut projeter ses besoins sur autre chose. Il est capable de différer. Ainsi il pourra répondre, prendre en charge le langage. Quand il a faim, il sait attendre un peu, et sait halluciner le biberon pour patienter.
3. L'espace potentiel : pendant les premières semaines, l'enfant vit dans un état de toute-puissance magique (il a fabriqué le lait qu'il reçoit). Pour renoncer à cette omnipotence, et reconnaître l'existence de la réalité extérieure distincte, il va fabriquer, concevoir entre l'interne et l'externe une aire intermédiaire qui n'appartient ni à l'un ni à l'autre. C'est l'espace transitionnel, ou potentiel.
Une des manifestations de cet espace sera l'Objet transitionnel, dont on peut distinguer plusieurs caractéristiques: c'est un objet matériel (et non un fantasme ou une hallucination), réconfortant pour l'enfant. Il a une consistance. Ce qui est transitionnel, ce n'est pas l'Objet lui-même mais son utilisation. Sa fonction est de représenter le passage entre la mère et l'environnement, de rétablir la continuité menacée par la séparation. C'est la première possession non-Moi de l'enfant. L'Objet transitionnel ne doit pas être changé par l'extérieur, et doit concerver une permanence. L'enfant a tous les droits sur l'Objet. Il l'aime passionnément, et en même temps le maltraite et le mutile. L'Objet survit à son agressivité. Il sera délaissé quand l'enfant en aura progressivement retiré sa signification affective, l'Objet s'étant alors répandu sur tout le territoire intermédiaire qui sépare la réalité psychique intérieure du monde extérieur. C'est le territoire de la culture et de la communication, du langage et du jeu, de l'art... L'aire transitionnelle est une zone entre le Moi et le non-Moi: l'Objet transitionnel permet le passage dans cette zone. Il est à la fois une projection narcissique et une relation objectale. L'enfant l'aime comme si c'était quelqu'un d'autre et comme si c'était lui.
4. L'agressivité : il y a d'abord un stade théorique de non-inquiétude, de cruauté. L'enfant a un but et ne se soucie pas des conséquences. Il ne se rend pas compte que ce qu'il détruit, c'est la même chose que ce qu'il estime (clivage du comportement). L'agressivité fait partie de l'amour. L'amour va jusqu'à une attaque imaginaire (du corps de la mère, de l'extérieur, de soi). L'enfant n'est pas responsable de ses actes car il ne sait pas qu'il en est responsable. Ce stade de cruauté doit être vécu pleinement: s'il n'existe pas, ou s'il disparaît trop tôt, s'ensuit une absence de capacité d'aimer, une absence d'aptitude à établir des relations objectales. Il faut en effet que cette non-inquiétude soit vécue pleinement pour que le sujet puisse la dépasser.
Arrive alors le stade du souci, de l'inquiétude, où l'intégration du Moi est suffisante. L'enfant peut désormais se rendre compte, se soucier des résultats de son agressivité physique ou psychique. Il est capable de se sentir coupable, de ressentir du chagrin. Un enfant en bonne santé peut supporter cette culpabilité, et donc se supporter comme coupable et agressif. Il devient alors capable de découvrir son propre besoin de donner, son propre besoin de construire et de réparer. Une grande partie de l'agressivité donne naissance aux fonctions sociales. La frustration agit comme une échappatoire à la culpabilité et engendre des mécanismes de défense, comme par exemple le clivage où il y a diminution de la culpabilité et renforcement de la haine et de l'agressivité. Cette agressivité est un élément nécessaire au développement. L'Objet interne ne doit pas seulement être gratifiant, il doit aussi être persécutant pour favoriser un potentiel réactionnel.
5. Notion de self : la mère assume un rôle de représentation continue du monde. Elle est suffisamment bonne et entretient l'illusion positive. Elle permet à l'enfant de se forger un vrai self, c'est à dire de passer de la non-intégration primaire, archaïque, à l'intégration, au "je". Le vrai self permis par l'environnement, c'est, au stade le plus primitif, le geste spontané, l'idée personnelle. C'est lui qui crée l'espace potentiel, l'Objet transitionnel. Seul le vrai self peut être créateur, et peut être ressenti comme réel. Il est lié à l'idée de processus primaire (condensation, déplacement... processus inconscients) et devient une réalité vivante par la réussite répétée du geste spontané, de la pensée personnelle du nourrisson, ainsi que par l'adaptation de sa mère. L'enfant voit que c'est accepté par l'extérieur. C'est le noyau de ce qu'il est vraiment, des éléments personnels et spontanés, auxquels on adapte les événements extérieurs. Lorsque l'environnement ne s'adapte pas au self, ou lorsque l'enfant ne transforme pas l'environnement suffisamment bon en environnement parfait, il se soumet aux exigences de cet environnement par peur de la désintégration. Il développe un faux self, une personnalité d'emprunt qui pourra être très bien adaptée à la société, très performante mais qui laissera toujours au sujet un sentiment d'inutilité, de vide, de néant, de futilité de l'existence. Le monde devient alors fallacieux, falsifié, il n'existe pas vraiment. Le faux self donne l'impression à la personne de jouer un rôle, de dissimuler, de faire "comme si". Le vrai self n'a alors plus droit à l'existence, et autour de lui se forge un masque qui tente de le protéger. Plutôt que d'intégrer les données extérieures à son self, le sujet en viendra à transformer son self en fonction de l'environnement. Il apprend les choses mais ne les habite pas. La réaction pourra aller jusqu'au repli autistique.
Rappels
- Le Moi se situe beaucoup plus dans un rapport à la réalité extérieure. C'est un élément tourné vers l'Autre, vers la communication.
- Le self, c'est à la fois le Moi, Le Ça et une partie du Surmoi. C'est la partie la plus créatrice de notre personnalité, c'est celle qui imagine, qui joue. C'est le fondement du symbole, qui nous donne le sentiment d'exister. C'est la partie que nous reconnaissons comme étant nous-même, nous représentant spécifiquement. Le vrai self est un état où on a suffisamment confiance en soi et en l'environnement pour être soi-même. Le self nous donne l'impression de notre identité, de notre intimité.
- Le Soi, d'après JUNG, c'est quelque chose qui se construit, très en rapport avec la culture.
Approche thérapeutique
Consultation
Elle répond à un objectif très précis. Elle vise la possibilité d'apporter à l'enfant et à sa famille une aide limitée et immédiate.
De quoi l'individu a besoin ici et maintenant ? Quel est le moyen le plus économique psychiquement et matériellement pour y faire face? Telles sont les questions que se pose le thérapeute durant la consultation. Pour cela, Donald Woods Winnicott utilise l'échange verbal, corporel (pour les bébés) et graphique.
Le "squiggle game" : c'est une technique projective qui instaure une intimité entre patient et thérapeute, et qui établit une aire de jeu entre eux deux. Le thérapeute fait un gribouillis et demande à l'enfant de le transformer, d'en faire quelque chose. Ensuite c'est l'enfant qui fait un gribouillis, et le thérapeute complète. En général, le jeu évolue vers le détail significatif qui permet d'atteindre la zone de conflit, le point de détresse. A chaque fois qu'il approche de cette zone de détresse, l'individu se surprend lui-même à être très angoissé. S'opère alors un changement qualitatif dans l'expression, dans le matériel psychique. Il est arrivé à Donald Woods Winnicott de voir un enfant tous les 6 mois, ou tous les ans. La séance peut durer 2 ou 3 heures.
Cure psychanalytique
Donald Woods Winnicott distingue deux catégories de patients, ceux qui relèvent d'une cure classique et les autres, qui ont des personnalités faux-self ou des personnalités psychotiques. Winnicott estime indispensable de laisser ces patients-là s'installer durant de longues périodes dans un état de dépendance vis à vis du thérapeute. Cette dépendance est comme celle que le nourrisson entretient avec sa mère. Elle permet ici au patient d'exprimer sa détresse.
Quand le sujet est dans un tel état qu'il ne peut plus exprimer quoi que ce soit, la première chose à faire est de satisfaire son besoin de dépendance. Sinon il y a le risque de reproduire une situation de carence primitive. Le thérapeute lui fournira alors une situation nouvelle dans laquelle le sujet aura le sentiment d'être totalement admis, soutenu. C'est un "holding", qui permet la mise en place de la confiance, de la réciprocité, en évitant le recours à toute parole ou tout geste qui pourraient être perçus comme autant d'empiètements sur la liberté. Dans cette situation, le patient n'a aucun désir. Il n'a qu'un besoin, d'ordre mental et physique: c'est d'être dépendant.
Dans un premier temps il ne sait pas qu'il a ce besoin. Il faut que cet état de dépendance soit ressenti comme agréable, sans culpabilisation. C'est en élaborant les choses qu'il constatera qu'il est dépendant. Apparaît alors la colère, que le patient se sent autorisé à exprimer. En temps normal, la colère est souvent mal perçue par lui, refoulée même à cause de la carence initiale. Ce que le patient demande au cadre, c'est d'assumer la fonction de l'environnement primaire défaillant. Il faut qu'il ait suffisamment confiance en l'environnement pour pouvoir régresser. Quand l'environnement primaire a été défaillant, ces patients se sont trouvés être à eux-même leur propre environnement, en recourant à un fonctionnement prématuré du Moi.
Toute analyse doit un jour confronter le patient à un état où ce qu'il redoute le plus c'est la folie, la folie révélée par l'éventuelle absence d'angoisse pendant la régression, la folie face à la disparition du sentiment de vie à l'intérieur du corps. S'il craint cette absence d'angoisse, c'est parce que la régression pourrait être irréversible. Ainsi donc paradoxalement, le patient angoisse de ne pas ressentir d'angoisse lors de la régression, et c'est une angoisse de mort.
Après cette dépendance dans le cadre analytique, le patient se laisse aller à l'effondrement, ce contre quoi d'ailleurs il a toujours lutté. Et ce qui s'effondre justement, c'est ce qu'il a peur de perdre, c'est le self unitaire. Le patient vit alors une agonie primitive.
Exemples d'agonies primitives :
Perte du sens du réel, dont la défense est le narcissisme;
Perte de la capacité à établir une relation d'Objet, dont la défense est l'autisme;
Ne pas cesser de tomber, dont la défense est l'auto-maintien;
Retour à un état non-intégré, dont la défense est l'éclatement, le démantèlement... etc.
Il faut bien savoir que nous avons affaire à des patients qui luttent sans arrêt contre la crainte de l'effondrement. Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que cet effondrement a déjà eu lieu. Ils élaborent des défenses de manière impulsive contre quelque chose qu'ils redoutent dans le très proche avenir, alors qu'ils devraient plutôt se défendre de leur passé. Leur Moi d'alors était trop immature pour vivre et éprouver l'évènement. C'est quelque chose qui s'est produit mais qui n'a pas été éprouvé. Le transfert de l'analyse a pour but de le leur faire éprouver, et non pas ré-éprouver. Quand cet effondrement s'est produit dans leur enfance, les capacités du sujet n'étaient pas aptes, le Moi n'était pas assez uni, le self n'était pas constitué pour lui permettre d'éprouver. Mais elles l'étaient néanmoins assez (aptes) pour en garder les séquelles. On demande au patient lors de la cure de vivre dans le présent ce à quoi il a assisté dans le passé, et ce qu'il avait projeté dans l'avenir.
Précisions
Consultations: pour enfants et adolescents, en "coup de pouce" de 1 à 6 séances;
Cure analytique en cas de névrose de transfert: hystérie ou névrose obsessionnelle;
Régressions: organisations schizoïdes, états limites, faux self.




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